Mesures de lutte contre l’évasion fiscale des groupes internationaux
Le projet de loi de finances pour 2024 (« PLF ») sera discuté en séance publique à partir du 17 octobre. D’ores et déjà, nous souhaitons vous présenter brièvement certaines mesures ayant retenu notre attention.
- Transposition de la directive « Pilier 2 », imposition minimale des entreprises à 15% :
Le 14 décembre 2021, les membres de l’OCDE ont adopté un modèle de règles globales anti-érosion de la base d’imposition appelé « GloBE – Pilier 2 ». Le texte a pour objectif de neutraliser les pratiques de certaines entreprises leur permettant de transférer leurs bénéfices vers des États au taux d’imposition beaucoup plus faible. L’Union européenne a soutenu ce texte et adopté le 14 décembre 2022, la directive UE 2022/2523 relative au pilier 2.
L’article 4 du PLF 2024 transpose en droit français cette directive. Elle fixe un taux d’imposition minimum de 15%. Concrètement, un impôt complémentaire en plus de l’impôt sur les sociétés viendra s’appliquer :
- aux entreprises situées en France qui sont membres d’un groupe d’entreprises multinationales réalisant un chiffre d’affaires consolidé égal ou supérieur à 750 millions € au cours d’au moins 2 des 4 exercices précédant l’exercice considéré
- aux entreprises situées en France qui sont membres d’un groupe dont l’activité est développée sur le seul territoire français et respectant le même seuil de chiffre d’affaires.
Le respect du taux minimum de 15% sera calculé en faisant le rapport, pour chaque État dans lequel le groupe est implanté, entre le montant des impôts sur les bénéfices et impôts équivalents supportés par les entités constitutives du groupe (filiales, établissements stables, etc.) dans cet État, et le résultat réalisé par ces entités. Les impôts et résultats feront l’objet de retraitements afin de neutraliser les différences de législation.
Ces règles d’imposition minimale s’appliqueront aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023.
- Renforcement du contrôle des prix de transfert des entreprises multinationales :
L’article 22 du PLF pour 2024 prévoit la mise en œuvre des mesures annoncées dans la cadre du plan de lutte contre toutes fraudes aux finances publiques en matière de prix de transferts, dévoilé par le gouvernement en mai 2023.
- Le seuil de déclenchement de l’obligation de présenter, en début de contrôle fiscal, une documentation complète de la politique de prix de transfert serait abaissé de 400 M€ à 150 M€ de chiffre d’affaires ;
- La documentation présentée par l’entreprise à l’administration fiscale lui serait désormais opposable.
- Un renforcement des sanctions en l’absence de communication de la documentation prix de transfert est envisagé. Pour mémoire, si l’entreprise vérifiée ne produit pas la documentation prix de transfert prévue aux articles L. 13 AA et L. 13 AB du LPF, ou produit une documentation partielle dans le délai de 30 jours suivant la réception de la mise en demeure, elle est passible, pour chacun des exercices couverts par la vérification, d’une amende minimale de 10 k€. Ce montant serait porté à 50 k€.
- Le délai de reprise dont dispose l’administration pour les transferts d’actifs incorporels serait allongé jusqu’à la fin de la 6e année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due et une nouvelle exception à la garantie de non-renouvellement d’une vérification de comptabilité serait créée sur ce sujet.
Mesures de « verdissement » de la fiscalité
- Mesures de lutte contre la fraude à la TVA à l’importation :
L’article 19, I-1° et 6° du projet de loi prévoit, lorsque certaines conditions ne seraient pas remplies, et en particulier lorsque la base d’imposition de la taxe due à l’importation ne serait pas égale à celle qui serait déterminée pour la vente à distance si elle était localisée en France :
- de désigner la personne qui réalise la vente comme obligatoirement redevable de la TVA due à l’importation et d’exclure la possibilité que ce soit le destinataire qui soit désigné comme tel.
- de territorialiser ainsi en France certaines ventes à distance de biens importés (VAD-BI) qui sont actuellement territorialisées hors de l’UE.t
- Création d’un crédit d’impôt en faveur de l’industrie verte :Lutte contre l’évasion
L’article 5 du PLF 2024 prévoit la création d’un crédit d’impôt en faveur des entreprises qui contribuent au développement des secteurs industriels stratégiques pour la transition vers une économie décarbonée.
A compter du 1er janvier 2024, bénéficieraient du crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte (C3IV), les entreprises industrielles et commerciales qui implantent ou développent en France des capacités de production des batteries, des panneaux photovoltaïques, des éoliennes et des pompes à chaleur, de composants et sous-composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrants directs dans la production de ces équipements, ainsi que dans les outils de production et de valorisation des matières premières critiques également nécessaires à la production de ces équipements.
Pour bénéficier du crédit d’impôt, l’entreprise devrait notamment ne pas transférer hors du territoire national les investissements ayant bénéficié du crédit d’impôt au cours des deux exercices suivant l’exercice leur mise en service et s’engager à les exploiter pendant au moins 5 ans à compter de leur mise en service (durée réduite à 3 ans pour les PME).
Le taux du C3IV serait de 20 %, majoré de 10 points pour les investissements réalisés par les moyennes entreprises et de 20 points pour ceux réalisés par les petites entreprises. Le montant total du crédit d’impôt ne pourrait excéder 150 M€ par entreprise.
Le bénéfice du crédit d’impôt serait soumis à un agrément préalable du plan d’investissement par l’administration, après instruction conjointe de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et de l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).
Le C3IV s’appliquerait aux titres des projets d’investissement agréés au plus tard le 31 décembre 2025, sous réserve de sa validation par la Commission européenne.
- Renforcement des taxes sur les véhicules de tourisme :Lutte contre
Dans le cadre d’un renforcement du caractère incitatif à la transition énergétique, la fiscalité applicable aux véhicules de tourisme serait revue (articles 12 et 14 du PLF pour 2024)
Les taxes dues sur la première immatriculation en France des véhicules de tourisme (« malus CO2 » et « malus au poids ») et les taxes annuelles dues sur l’affectation des véhicules de tourisme à des fins économiques (taxe annuelle sur les émissions de CO2 et taxe annuelle sur l’ancienneté) seraient modifiées dans le but d’accélérer le « verdissement » du parc automobile. Concrètement :
- Les véhicules de la catégorie N1 pouvant être qualifiés « de tourisme » ne seraient plus listés à l’article L 421-2 du CIBS mais seraient déterminés par décret (compte tenu de leurs carrosserie, équipements, caractéristiques techniques et usages) ;
- La taxe CO2 annuelle serait alourdie, les barèmes deviendraient progressifs avec des tarifs revus à la hausse et l’exonération des véhicules hybrides serait supprimée ;
- La taxe sur l’ancienneté des véhicules serait remplacée par une taxe sur les émissions de polluants atmosphériques ;
- S’agissant de l’immatriculation des véhicules, le seuil de déclenchement du malus CO2 serait abaissé, et le malus au poids serait également revu à la baisse.
Des questions ? Des précisions ? Notre équipe de juristes en droit fiscal se tient à votre disposition pour vous assister pour cette nouvelle étape déclarative.